Spiritualité et MTC

Spiritualité et MTC

Vivre au rythme des cycles de la nature

 

La médecine chinoise, par son approche holistique de la santé, intègre naturellement la dimension spirituelle de l’individu et du Vivant. En outre, la spiritualité s’enracine dans le Dao – ou Tao – encore appelé « la Voie ».

Le Dao est la « mère du mnde », le principe qui engendre tout ce qui existe, le Souffle qui coule en toutes choses. Le taìjítú (symbole du yin-yang) le représente, en tant que symbole de l’unité au-delà de la dualité yin-yang.

Selon la médecine traditionnelle chinoise (MTC), l’être humain se tient entre le Ciel (monde spirituel, yang) et la Terre (monde matériel, yin). Son souffle — le — puise à ces deux polarités pour se déployer. Ainsi, sa santé dépend d’un bon équilibre entre ces deux pôles : matériel (Terre) et spirituel (Ciel).

Au delà du mental et de la matière

Vivre spirituellement, c’est se connecter à une réalité universelle qui dépasse la matière et le mental. Selon la MTC, vivre spirituellement signifie s’accorder aux rythmes du vivant pour que le corps, l’esprit et l’environnement communiquent et s’harmonisent. Il s’agit d’apprendre à habiter le monde avec justesse.

La spiritualité ne s’enferme ni dans un dogme, ni dans un rituel hors du monde. Par conséquent, elle est une expérience intime que chacun éprouve au contact des éléments qui l’entourent. Cette perception sensorielle la fait naître. Avec la lumière du matin, elle respire, écoute la pluie sur les toits et suit le cours des saisons.

En effet, le Huangdi Neijing (Classique interne de l’Empereur Jaune), texte majeur de la MTC, rappelle que la santé — matérielle et spirituelle — se tisse avec les saisons. Il invite à « régler l’esprit selon le Qi des quatre saisons ». Cette régulation consiste en un art de vivre où tout est rythme. Le sage ajuste sa vie à cette musique, et l’esprit s’y éclaircit.

Les saisons comme guide intérieur

Au printemps, l’air frais et les bourgeons prêts à éclore nous invitent au renouveau.

L’être connecté ose rêver et imaginer de nouveaux projets. Sans forcer tout en suivant l’elant naturel, il avance avec douceur. La vie s’éveille donc comme une plante cherchant la lumière; le cœur s’ouvre, le regard s’élargit, prêt à tracer un nouveau chemin.

Puis arrive la saison vibrante et chaude, celle du partage, de la joie simple qui réchauffe sans brûler. Les jours s’allongent, les rencontres se multiplient. De plus, il s’agit maintenant d’être présent, d’accueillir les autres et de rire ensemble.

On tisse des liens, on savoure la lumière. C’est un temps pour rayonner, pour se connecter au monde avec un sourire.

Vers la fin de l’été les énergies se calment, laissant la place à une lumière plus douce et à un air plus frais. Les feuilles des arbres tombent. Cette saison apprend à lâcher ce qui n’est plus nécessaire. C’est le temps de cultiver l’art de choisir pour ne garder que l’essentiel. La respiration ralentit, on gagne en clarté. Il est temps de faire de la place en laissant partir le superflu.

Bourgeons au printemps illustrant la spiritualité en médecine traditionnelle chinoise".

Le cycle saisonnier se referme enfin. Tout se met au ralentit. Le froid pousse au recueillement. La personne préserve son énergie et revient à soi. Elle ne parle pas beaucoup, mais réfléchit et rêve en secret. Le temps est venu de se reposer, pour se préparer doucement au printemps prochain ; sous la terre gelée, la vie se prépare en silence.

Les Cinq mouvements ou cinq éléments

En MTC, les saisons sont reliées aux Cinq Mouvements (Wǔ Xíng) — le Bois, le Feu, la Terre, le Métal, l’Eau — qui rythment la vie. Le Bois pousse, le Feu diffuse, la Terre intègre, le Métal clarifie, l’Eau conserve.

Cette dynamique ne décrit pas un cosmos figé ; elle aide à lire les changements. Ainsi, dans la vie intérieure, on reconnaît ces accents.

En effet, un temps existe pour : Emerger (Bois). Vous pouvez ensuite vous exprimer et agir (Feu). Puis se rassembler et attendre (Terre). Vient ensuite l’émondage (Métal). Enfin, se préserver (Eau).

Pour y parvenir, il nous faut affiner nos sens, développer une écoute subtile.. Ainsi, avec la pratique, l’esprit cesse de contrôler pour laisser place à des gestes et des postures adaptées à chaque situation. C’est l’état d’esprit, l’attitude qui sous-tend le concept de Wu Wei ou « non-agir ».

Nourrir la vie et l’âme

La pensée chinoise ancienne voit l’humain comme un trait d’union vivant. Le traverse l’espace, circule dans les vents, anime les plantes, nourrit les animaux et parcourt aussi nos méridiens

"Homme méditant au pied d’un arbre en harmonie avec la spiritualité et MTC".

La formule classique Ciel–Homme–Terre souligne cette interdépendance : le Ciel impulse, la Terre nourrit, l’Homme intègre et reflète. Lorsque cette triangulation se déchire, quelque chose s’obscurcit ; lorsqu’elle s’harmonise, nous retrouvons une clarté tranquille et un rayonnement contagieux.

La médecine chinoise a donné un nom à ces interactions : Yang sheng ou « nourrir la vie ». Cette discipline de la MTC est un art de vivre spirituellement. Il relie repos, diététique, respiration, mouvement, équilibre émotionnel et culture intérieure. Il s’appuie sur des exercices et propose une hygiène de vie : qualité du sommeil, écoute de la faim réelle, exposition au soleil, marche, pratique du Qi.

Le Yǎng Shēng ne promet ni performance, ni jeunesse éternelle. Il propose une sobriété heureuse. Il préfère la régularité à l’exploit et la nuance à la surenchère. Il enseigne par exemple à sentir la différence entre la fatigue qui appelle le repos et celle qui demande la promenade, entre la faim du corps et le besoin de manger pour se distraire.

Il propose une spiritualité qui ne s’oppose pas au quotidien mais s’y accorde. L’âme n’est pas séparée pas du monde ; elle apprend de lui. L’harmonie ne s’impose pas, elle s’invite lorsque les conditions sont réunies.

Une esthétique de la présence

Enfin, la spiritualité en MTC apparaît comme une esthétique de la présence. Elle cultive une attention sensible à la qualité du moment, à la façon dont l’air traverse la pièce, à la manière dont une voix s’accorde à l’écoute. Elle préfère les transitions aux ruptures, les nuances aux slogans, la justesse à la démesure. Elle se méfie autant du volontarisme stérile que de la passivité résignée. Elle cherche un équilibre vivant : assez de tension pour aller de l’avant, assez de détente pour durer.

L’individu, en acceptant de vivre dans cet équilibre Terre-ciel, cesse de lutter contre le monde, et choisit de composer avec lui. Alors, l’existence prend un cours plus simple ; le regard brille d’une joie calme ; les actions gagnent en efficacité. L’esprit est serein et le cœur rayonne. On touche au vrai bien-être et à la pleine santé.

Santé et spiritualité

qi gong bord de mer

Les soins de la médecine chinoise s’inscrivent dans cette philosophie. Par conséquent, le praticien traite le patient non comme un simple corps, mais comme un être complexe avec ses émotions et son esprit.

Dans son diagnostic, la MTC va percevoir les déséquilibres énergétiques. Ceux-ci peuvent avoir une origine purement physique (mauvaise alimentation, intoxication, pervers climatique etc.). Mais ils ont très souvent une origine émotionnelle, voire spirituelle.

En effet, si un individu vit une vie qui ne lui convient pas, où il n’est pas en harmonie avec sa réalité profonde, cela générera des déséquilibres. Et avec le temps des maladies.

Par exemple, celui qui s’ennuie dans son travail, comme celui qui y subit des pressions excessives, ou du harcèlement, ne peut rester en bonne santé. Il en est de même pour qui vit dans un environnement relationnel toxique, ou celui qui choisit de se conformer à des pressions extérieures en contradiction avec sa nature profonde. Tôt ou tard, il y perdra la santé.

La médecine chinoise, en restaurant l’équilibre, permet une régulation globale du corps, des émotions et de l’esprit. L’acupuncture, comme la pharmacopée, sont des méthodes naturelles qui renforcent et stimulent le lien du patient avec la Nature, et avec sa propre nature. Elles guident l’individu vers un chemin d’harmonie.

Le Qi Gong et le Tai Ji Quan enseignent la relaxation, la fluidité consciente, la présence dans le geste, la force sans raideur. La diététique énergétique ne moralise pas l’assiette ; elle l’inscrit dans le calendrier du vivant, et le rythme des saisons.

La calligraphie chinoise

La calligraphie chinoise

Un art méditatif aux vertus guérisseuses

La calligraphie est un moyen d’exprimer l’essence même de l’âme ; au travers de chaque trait de pinceau, le corps et l’esprit fusionnent dans une harmonie parfaite.

Cet art méditatif partage avec les arts martiaux, internes ou externes, ainsi qu’avec la médecine traditionnelle bien plus que l’on ne pourrait le penser. En effet, la calligraphie chinoise n’est pas simplement une écriture, elle est un art ancestral.

Les origines de la calligraphie chinoise

Cang Jie

Dans la mythologie chinoise, l’invention de l’écriture est souvent attribuée à Cang Jie, un ministre légendaire de l’empereur jaune Huangdi (c. 2750 av. J.-C.).

On raconte que Cang Jie, avait quatre yeux lui permettant de percer les secrets du Ciel et de la Terre.Il observa notamment les empreintes laissées par les animaux et conçut pour désigner chacune d’entre elles une marque immédiatement reconnaissable.

L’Empereur jaune, éminemment satisfait, fit promulguer l’usage de son écriture dans tout le pays. Il lui fit aussi élever un temple au bord de la rivière à l’emplacement de son lieu de travail.

Ces symboles, au départ simples et pictographiques, ont évolué pour devenir un système d’écriture complexe, alliant le sens à l’esthétique.

L’un des premiers styles de calligraphie est le « style des os et des carapaces », qui apparaissait sur des carapaces de tortue et des os de bœuf pendant la dynastie Shang (1600-1046 avant J.-C.). Ce style d’écriture archaïque, bien que rudimentaire, portait déjà en lui les germes de l’art subtil et raffiné que nous connaissons aujourd’hui.

La calligraphie a ensuite connu une série d’évolutions majeures, influencées par les différentes dynasties chinoises. Chaque période a apporté des contributions uniques à cet art. Cela a donné naissance à différents styles, tels que le style sigillaire (篆书, zhuànshū), le style des scribes (隶书, lìshū), le style régulier (楷书, kǎishū), le style semi-cursif (行书, xíngshū), et le style cursif (草书, cǎoshū). Ces différents styles partagent une même essence : l’expression du qi, cette énergie vitale qui circule en chaque être vivant.

Un voyage historique

Au fil des siècles, la calligraphie a toujours été perçue comme plus qu’une simple méthode d’écriture. Sous la dynastie Han (206 avant J.-C. – 220 après J.-C.), elle a commencé à être reconnue comme une forme d’art à part entière.

Les lettrés et les fonctionnaires impériaux apprenaient la calligraphie non seulement pour écrire, mais aussi pour cultiver leur esprit. Cet art devint une expression des vertus morales, de la droiture, et de l’harmonie intérieure.

Durant la dynastie Tang (618-907 après J.-C.), la calligraphie atteignit des sommets. Des maîtres comme Wang Xizhi et Yan Zhenqing laissèrent des œuvres qui continuent d’être étudiées et admirées aujourd’hui.

La dynastie Song (960-1279 après J.-C.) vit également l’émergence d’un lien plus profond entre la calligraphie, la poésie et la peinture, faisant de ces trois disciplines un trio inséparable, incarnant l’idéal du lettré chinois.

Ainsi, de génération en génération, cet art a traversé les âges, se perfectionnant, tout en restant ancré dans ses principes fondamentaux.

Les écoles de calligraphie se multipliaient, et chaque région apportait sa touche personnelle, mais une chose demeurait inchangée : la calligraphie n’était pas simplement un art visuel, mais un chemin vers la paix intérieure.

calligraphie ancienne

Un lien inattendu avec les arts martiaux

Comme nos lecteurs le savent déjà, le corps et l’esprit en MTC sont intimement liés. Cette compréhension se reflète dans l’art martial chinois, où l’énergie interne (qi) et la maîtrise des mouvements sont fondamentales. Ce même concept s’applique à la calligraphie.

tai chi

On pourrait penser que les arts martiaux et la calligraphie sont deux disciplines très différentes. Pourtant, ils partagent une connexion profonde : tous deux reposent sur la concentration, le contrôle du corps, et la circulation fluide du qi.

Dans les arts martiaux internes comme le Tai Chi ou le Qi Gong, les mouvements sont lents, mesurés, et axés sur l’harmonisation de l’énergie vitale. Dans la calligraphie, le maniement du pinceau suit un principe similaire.

Chaque trait est un flux d’énergie, chaque caractère une manifestation de l’équilibre et de la force intérieure.

Maîtriser la calligraphie est comparable à maîtriser un art martial : cela demande de la discipline, de la patience et une harmonie parfaite entre le corps et l’esprit.

Les anciens maîtres de l’art martial recommandaient souvent la pratique de la calligraphie pour renforcer l’esprit et approfondir la maîtrise du qi. Cette discipline calme et méditative pouvait ensuite être appliquée à leur pratique martiale interne curative.

 

Un art guérisseur

Si la calligraphie est souvent perçue comme un simple passe-temps artistique, elle possède en réalité des vertus thérapeutiques. La médecine traditionnelle chinoise enseigne que l’équilibre du corps repose sur la circulation harmonieuse du qi et du sang. Toute obstruction de cette énergie peut entraîner des maladies.

La pratique de la calligraphie permet d’apaiser le mental, de calmer le cœur, et de réguler le flux du qi. Lorsque vous concentrez toute votre attention sur le pinceau, vous plongez dans un état méditatif, où l’esprit s’apaise et où le stress se dissipe. Cela favorise la régulation de la respiration, l’alignement du corps, et la circulation fluide de l’énergie.

Des études modernes confirment que la pratique régulière de la calligraphie peut réduire l’anxiété, améliorer la concentration, et même abaisser la tension artérielle. Tout comme la méditation, elle permet de retrouver un état d’équilibre intérieur.

En ce sens, la calligraphie est bien plus qu’un simple art ; elle est un chemin vers la guérison, une voie pour harmoniser le corps et l’esprit.

calligraphie ancienne

Ainsi donc, la calligraphie est un chemin spirituel pour l’âme, une pratique guérisseuse pour le corps. En s’immergeant dans cet art, le pratiquant entre dans une méditation active, où chaque trait est une manifestation de son qi, où chaque caractère est une fenêtre sur son équilibre intérieur.

Dans un monde où le stress, l’agitation, et les distractions sont omniprésents, pourquoi ne pas trouver refuge dans la calligraphie ? Elle vous guidera vers une vie plus calme, plus harmonieuse, et plus en phase avec votre véritable essence.

L’unique trait de pinceau

A l’âge de 22 ans, l’artiste Fabienne Verdier, diplômée des Beaux-Arts de Toulouse en 1983, choisit de partir étudier la calligraphie en Chine. En parallèle à ses études au Sichuan Fine Arts Institute de Chongqing, elle étudie auprès des derniers grands maîtres calligraphes ayant survécu à la Révolution culturelle.

Elle relatera cette expérience hors du commun dans plusieurs ouvrages, notamment L’Unique trait de pinceau (Albin Michel, 2001) et Passagère du silence, dix ans d’initiation en Chine (2003). Elle y raconte une véritable aventure où elle doit braver les interdits et les réticences encore très vivaces à l’époque. Mais elle y raconte surtout ce qui est un véritable parcours initiatique, une découverte profonde d’elle-même à travers ces années de travail et d’étude assidus.

En un témoignage passionnant, l’artiste partage sa découverte de cet art, un art qui  repose sur une adéquation parfaite entre l’âme de l’artiste et le  » principe qui régit toute chose ». En effet la calligraphie exige une implication totale du corps et de l’esprit. Après des heures de silence et de concentration, toute la difficulté réside dans le fait qu’une fois le geste amorcé, le sort du tableau est joué sans qu’il soit possible de revenir en arrière : « La règle se fonde sur l’Unique Trait de pinceau », écrivait au XVllle siècle Shitao, l’un des plus grands peintres chinois. L’Unique Trait de Pinceau est l’origine de toutes choses, la racine de tous les phénomènes. »

Fabienne Verdier invite ainsi ses lecteurs à porter un autre regard sur le monde sensible et à retrouver une unité primordiale.

Vivre wu wei

Vivre wu wei

Les secrets de l’action sans effort

Le concept de Wu Wei ( 无为), comme déjà évoqué dans notre précédent article, se traduit par « non-agir » ou encore par « action sans effort ». Ancré dans le taoïsme, wu wei est un véritable art de vivre. En comprendre la valeur, et ainsi désirer l’appliquer dans sa vie suppose de graduellement procéder à des mutations dans notre façon de vivre et de voir la vie. Nous allons explorer ici plus en détail comment accéder à cette magie de wu wei.

Remettre en question notre façon de vivre

Pourquoi devrais-je me remettre en question ? Alors même que tout va bien dans ma vie… J’ai un super travail, je gagne beaucoup d’argent, mes enfants sont dans les meilleures écoles privées… Et pourtant !

Je suis d’accord, en ce moment je suis très fatigué ; Je me réveille plusieurs fois la nuit pour faire pipi ; Le matin au réveil, je ressens des tensions douloureuses et je ne suis pas reposé etc. Ces quelques désagréments sont des alertes que le corps m’envoie pour me signaler que je commence à dépasser mes limites, ou qu’il existe des déséquilibres cachés dans ma vie. Si je n’y prête pas attention, cela peut me conduire à des problèmes ou pathologies bien plus graves. Il est temps d’agir !

Vivre avec Wu Wei est une démarche volontaire dans laquelle nous organisons notre vie afin de laisser place à l’expression notre propre nature, en harmonie avec la nature environnante. Ainsi, Wu Wei nous demande de découvrir qui nous sommes vraiment, avant même que le corps nous alerte.

Vivre wu wei suppose donc de nous mettre à l’écoute de nous-mêmes, d’entendre nos besoins, nos regrets, nos frustrations, et aussi ce qui nous fait vibrer. Nous apprenons ainsi à décoder ce qui nous met en colère, ce qui nous rend triste ou anxieux.

A l’inverse, nous décryptons les choses subtiles qui contribuent à notre plénitude et à notre joie, celles qui nous rendent simplement plus vivants. Cette découverte fait partie intégrante de la vie et s’apparente à un parcours de sagesse.

L'angélique chinoise, trésor de la mtc

Se rapprocher de la Nature

Dans ce parcours, se rapprocher de la Nature est la démarche la plus naturelle à adopter. D’elle découlera la suite de notre évolution. Nous l’avons vu, wu Wei consiste à se laisser porter par les flux de la nature, en nous adaptant aux situations, à l’image de l’eau qui pénètre les roches les plus dures, tranquillement.

Attention, il ne s’agit pas d’un abandon total mais de renoncer à forcer les choses.

Se rapprocher de la nature se fait par étapes. Il s’agit tout d’abord de se donner les moyens d’améliorer notre hygiène de vie.

Nous consommerons de plus en plus de de produits locaux et frais. Nous prendrons davantage soin de notre repos. Nous passerons de plus en plus de temps dans la nature.

Une relation de plus en plus intime emprunte de confiance s’installera ainsi progressivement entre nous et la Nature. Nous donnons alors une chance à nos sens ainsi qu’à notre sagesse innée de se réveiller.

Cultiver le calme intérieur

Cultiver le calme intérieur c’est déjà de prendre de la distance face aux difficultés rencontrées. Il existe de nombreuses pratiques (la méditation, le qi gong, le tai chi, le pranayama, les arts martiaux) qui aident à développer ce calme intérieur. Toutes impliquent la relaxation, l’écoute intérieure, la respiration profonde. Pour pénétrer l’esprit de wu wei, il nous faut en effet développer une écoute toujours plus fine de nos sensations, des stimuli extérieurs.  Cela nous permet de renouer avec notre intuition, notre instinct animal.

La pratique de l’aviation, l’escalade, la plongée, la pratique d’un art tel que la peinture, la musique ou encore l’artisanat comme la poterie, le travail du bois… contribuent aussi à développer nos cinq sens et notre écoute intérieure.

Avoir foi en la vie

Vivre wu wei suppose avoir foi en la vie. Cela nous demande de renoncer aux conditionnements qui nous limitent et nous poussent à la peur. Cela nous invite à développer un profond amour de la vie sous toute ses formes. Nous devons pour cela abandonner le contrôle pour laisser l’univers organiser pour nous la meilleure solution face aux problèmes divers que nous rencontrons.

Nul besoin de « je dois… », « il faut que je… ». S’il est juste d’avoir un certain sens des responsabilités, il est cependant nocif de n’agir que par devoir, par respect des conventions sociales, par routine etc.

Dès lors que nous comprenons qu’une majorité des règles édictées par nos sociétés, nos gouvernements, nos parents, sont notre prison, nous faisons le premier pas pour vivre le non-agir. Se détacher des conditionnements sociaux et être vraiment libre demande du temps, de la persévérance, et du courage.

Dans ce chemin, beaucoup renoncent par peur de perdre des amis, d’être regardés de travers par les autres…

Mais plus l’on avance dans ce chemin, plus on en découvre les bénéfices inestimables. La pratique du non-agir permet paradoxalement à nos actions de devenir plus efficaces et constructives. Nous dépensons moins d’énergie inutile, et sommes d’autant plus disponibles. Wu Wei nous procure un sentiment d’éveil détendu, une attention alerte et paisible qui se révèle joyeuse et énergisante. Il nous éveille à une forme de sagesse. Il nous est ainsi de plus en plus facile de nous laisser porter par le flux de la vie.

Le processus de création

Les grands artistes vivent wu wei à travers leur création. L’inspiration leur vient de ce lien avec l’énergie universelle qui anime toute vie, et de leur capacité à s’y abandonner. Depuis la nuit des temps l’inspiration et le processus de création fascinent. Picasso, ou Dali ont été filmés en train de créer. Aujourd’hui on organise des happenings où l’on voit un artiste peindre en direct.

Sous la dynastie chinoise des Tang, dans la Chine ancienne, wu wei est un élément central de la pratique artistique. La tâche du peintre n’est pas d’imiter l’apparence des choses, mais de se connecter étroitement avec l’esprit d’une montagne, d’un arbre, d’un oiseau et de laisser cet esprit s’écouler à travers le pinceau sur la soie.

L’acte de peindre est révéré en soi. Le poète Fu Zai décrit ainsi une grande fête organisée pour voir le peintre Zhang Zao à l’œuvre :

« Au milieu de la pièce, il s’assit, les jambes écartées, respira profondément et son inspiration commença à jaillir. Les personnes présentes étaient aussi effrayées que si un éclair traversait le ciel ou qu’un tourbillon s’élevait dans le ciel. L’encre semblait jaillir de son pinceau volant. Il frappa dans ses mains avec un bruit de craquement. Soudain, des formes étranges apparurent. Lorsqu’il eut terminé, il y avait des pins, écaillés et déchirés, des falaises abruptes et précipitées, de l’eau claire et des nuages turbulents. Il jeta son pinceau, se leva et regarda dans toutes les directions. On aurait dit que le ciel s’était éclairci après un orage, pour révéler la véritable essence de dix mille choses. »